jeudi 2 avril 2009

HISTOIRE DE COLS ( 2 )

Politique - Article parule 11 décembre 2008 dans l' Humanité

Face à la crise
Quand les cols bleus soutiennent les cols blancs
Hier, devant le siège d’ArcelorMittal, les salariés ont protesté contre le plan de suppressions de postes qui, en France, vise les administratifs.
« Cette mobilisation, c’est un avertissement pour la direction », lance Marc Barthel, délégué central CGT, la voix entrecoupée par le bruit des pétards et des fumigènes qui crépitent sur le parvis du siège d’ArcelorMittal. Hier, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), près de 300 salariés étaient rassemblés à l’appel des syndicats CGT, CFTC et FO, pour protester contre l’imposant plan de suppressions de postes - 9 000 dans le monde, dont 6 000 en Europe et 1 400 employés administratifs en France -, annoncé le mois dernier par le géant mondial de l’acier. « Cette restructuration est disproportionnée par rapport aux diminutions de production de l’industrie automobile, principale cliente d’ArcelorMittal. Mittal veut uniquement rassurer les actionnaires et permettre au groupe de se constituer à bon compte une trésorerie de réserve pour 2009 », martèle Marc Barthel. « Nous protestons contre les suppressions de postes, mais aussi contre le chômage partiel subi par les employés des différents sites », poursuit le cégétiste. Selon lui, les difficultés du groupe sont surtout dues à la stratégie de Mitall, qui a « fortement endetté l’entreprise ».
Sur le parvis, des ouvriers « de production » étaient ainsi venus de toute la France pour soutenir les employés « de support » visés par le plan. Tapant du pied dans le froid, des délégations de Gandrange et Florange (Moselle),
de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), de Gueugnon (Saône-et-Loire), de Mardyck (Nord), d’Isbergues (Pas-de-Calais) et de Montataire (Oise) étaient présentes. Alexandre est délégué CGT du site de Montataire, où sont produits des aciers plats au carbone, pour l’automobile, le BTP ou l’électroménager. « À Montataire, on sort juste d’un plan social. On était 1 300 en 2003, on n’est plus que 750 aujourd’hui. Alors, de nouvelles suppressions de postes, ça commence à devenir insupportable. » Pour Alexandre, la stratégie de Mittal est de limiter la production pour conserver l’acier à des prix très élevés. « Le groupe est en situation de quasi-monopole en Europe de l’Ouest », rappelle le syndicaliste. Claude, lui, travaille à l’usine d’Isbergues, spécialisée dans l’inox : « Nous, ils nous ont déjà fermé une aciérie il y a trois ans, et ils profitent de la crise pour nous en remettre une couche ! » lance-t-il. Pour Franck, venu de Fos-sur-Mer avec sa tenue ignifugée de fondeur, « le pire, c’est que la direction ne nous dit rien ». Près de lui, quatre femmes acquiescent. Elles travaillent au siège, comme assistantes de direction, manager marketing et commerciale, et veulent rester anonymes. « On fait partie de la catégorie de personnel potentiellement visée par le plan, et on ne sait toujours pas ce qui est prévu pour nous », déplorent-elles.
Ouvriers ou cols blancs, tous les manifestants interrogés s’inquiètent de l’avenir des sites - ArcelorMittal en France. Et presque tous répètent : « ArcelorMitall se prépare à faire 8 milliards de bénéfices en 2008 ! » Car l’interview de Daniel Soury-Lavergne, DG d’ArcelorMittal France, publiée le matin même dans le Parisien, fait beaucoup parler d’elle. Le DG y déclare que, « du fait de la crise, (ses) actionnaires ont perdu de 70 % à 80 % de la valeur de leur investissement » et que, « dans ces conditions, on ne peut pas envisager de les priver de dividende. Nous avons besoin d’un actionnariat stable ». Dans l’interview, Daniel Soury-Lavergne promet également des « vraies mesures d’accompagnement » pour les salariés concernés. Mais, à la sortie de la réunion avec la direction, les représentants des syndicats font grise mine. « Ils ne nous ont même pas divulgué où se trouvent les effectifs ciblés par les suppressions d’emplois, c’est une violation des règles du dialogue social », s’énerve Philippe Verbek (CGT) au micro. « On nous a simplement présenté des mesurettes d’accompagnement pour les volontaires au départ, comme des primes de départ de deux mois de salaire brut ou des rachats de trimestres de cotisations retraite », détaille-t-il. « Des mesures homéopathiques », pour Marie-Gilberte Canivez-Hogard, de la CFTC, qui estime que « les pouvoirs publics doivent prendre la mesure de ce drame, qui intervient dans un secteur clef de l’économie ». Sur ce point, Marc Barthel (CGT) reste dubitatif : « En février dernier, Nicolas Sarkozy avait promis que les 575 salariés de Gandrange seraient reclassés. Aujourd’hui, ils ne sont que 17 employés à avoir retrouvé une place et, le président, on attend toujours qu’il revienne en Lorraine, comme il l’avait promis. » La direction et les syndicats se rencontreront de nouveau les 15 et 19 décembre pour négocier les conditions de ce plan de départ. En attendant, les syndicats se concerteront avec leurs homologues européens en vue d’une grande manifestation.
Mehdi Fikri

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